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LA
MESSE DE PADRE PIO
Le nud de l'amour
Le nud de l'amour de Padre Pio pour le Crucifié,
joint à l'amour des âmes qu'il entraînait avec lui,
c'était la Messe. Ainsi les âmes devenaient, presque malgré
elles, participantes du drame qui se jouait sur l'autel, par la Parole
: "Ceci est mon Corps" qui, prononcée une seule fois
par le Christ, a franchi vingt siècles. Le prêtre, prononçant
ces mots, "sent" vraiment qu'il se passe quelque chose d'incompréhensible,
mais cependant véridique car dit par Dieu lui-même au repas
de la Cène. Et brusquement, tel l'éclair jaillissant dans
la nuit, la parole du prêtre a changé la blanche hostie
en Corps du Christ, caché aux yeux de l'homme, mais accessible
aux yeux de la foi.
Le Padre Pio voyait-il réellement le Corps du Christ ? Sa messe
était une telle participation à la Passion, que cette
imprégnation lui inspirait devant l'Hostie le même amour
que la vision directe.
Mais était-il vraiment dans la joie en montant à l'Autel
? Il paraissait plutôt angoissé, assiégé
par les pécheurs : - Ce qui se passe durant ce terrible moment
où je suis à l'Autel, je ne peux vous le dire, car l'âme
l'éprouve sans pouvoir le discerner.
Sa messe ? Une foule compacte veut entrer, être le plus près...
Cest la bousculade... Quelques minutes s'écoulent. Soudain,
le silence, la foule est recueillie. Nous sommes là pour deux
heures de complète immobilité... bloqués.
La messe du Padre Pio se reflète sur son visage... Le drame du
Calvaire va se jouer. Dans un calme absolu le Padre entame le Confiteor.
Son visage est éclatant, glorieux, comme transfiguré ;
tandis qu'il est dans un monde mystique, détaché du réel.
La foule n'est pas là au théâtre pour voir jouer
une pièce, mais pour rencontrer, à travers la lumière
de ce prêtre, la lumière de Dieu ; un Dieu d'amour qui
s'est laissé crucifier par amour des hommes.
Des vagues d'émotion sillonnent le visage du capucin, comme si
l'on lisait sur ses traits un mystérieux dialogue...
Des larmes jaillissent de ses yeux ; ses épaules ploient sous
un poids écrasant, le poids du péché. Le Seigneur
le veut victime expiatrice. Il est devenu le paratonnerre qui préserve
de la colère. En buvant la coupe amère des expiations
il attire au pardon et à la conversion et donne à la souffrance
un prix d'éternité.
Il endosse les péchés après des heures interminables
passées au confessionnal. Il lui est demandé une part
de son sang ; mais le sang de l'âme pèse plus que le sang
du corps, car il s'agit là de faire transparaître le Christ.
Et la foule muette est prise malgré elle dans les remous du drame
où l'acteur est en extase et les spectateurs en contemplation.
L'inertie reprend vie et l'incolore reprend couleur.
Maria Winowska
écrit : "Je défie les personnes qui ont été
à San Giovanni Rotondo d'assister dorénavant à
la messe en simples spectateurs».
A partir de l'offertoire, le rythme du drame sacré s'intensifie.
En levant la patène d'un geste suppliant, les yeux perdus dans
une lumière invisible, Padre Pio découvre les plaies sanguinolentes
de ses mains. Il demeure immobile. On dirait qu'il ramasse le monde
entier dans cette offrande. Il s'offre au Père Eternel, au nom
du Fils quil représente. Il offre les détresses,
cette angoisse, les souffrances, les péchés de cette foule
et du monde entier.
Les minutes coulent comme des gouttes de sang. Le Mystère échappe
au temps-minute, pour devenir fraction d'éternité. Le
jeu semble mené, nous dit Maria Winowska, par des présences
invisibles. Elle l'a vu haletant comme un lutteur aux abois, essayant
d'écarter un obstacle qui l'empêchait de prononcer les
paroles de la Consécration. Vrai corps à corps dont il
sortit victorieux, mais brisé.
"Il tient à bout de bras son Dieu devenu Pain ! De minces
filets de sang ruissellent le long de ses doigts. Ses yeux caressent
l'hostie d'un regard infiniment tendre. Qui doutait de la Présence
réelle n'avait qu'à assister à la Messe célébrée
par Padre Pio.
D'ailleurs, c'est l'Esprit Saint qui conduit tout à tel point
que, raconte le Père Agostino, lorsqu'on lui faisait remarquer
que sa Messe était trop longue, il répondait qu'il se
sentait comme cloué, tiré par une force mystérieuse.
Padre Pio
disait quil souffrait le plus de la consécration à
la communion, parce que c'est là vraiment qu'arrive une destruction
et recréation.
Pendant la messe, il vivait tour à tour l'Agonie de Jésus
au jardin des Oliviers, le Couronnement d'épines, la Flagellation,
la Crucifixion.
Comme on lui demandait si le bruit des fidèles dans l'église
ne le gênait pas, il répondit qu'au Calvaire il y avait
blasphèmes et hurlements. Parfois il pleurait parce qu'il souffrait,
et aussi parce qu'il comprenait les souffrances du Christ en Croix.
" Il voyait tous mes fils à l'autel comme dans un miroir."
Pour Padre Pio "lhostie, c'est un peu de vie éternelle
et de gloire de Dieu données aux hommes dès cette terre."
Combien,
venus en curieux, sont repartis convertis ! Mais, avec Padre Pio assister
à la messe était impossible, il fallait participer.
La Messe du Padre remplissait l'intelligence de compréhension
; enivrait le cur d'amour, faisait prendre des résolutions.
Lesprit était conquis par cette Messe qui n'était
pas une Messe comme les autres. Ce n'était pas un effleurement
de surface, mais une pénétration en profondeur.
C'était Jésus qui revivait sa propre Passion à
travers son serviteur. Padre Pio était transparent de Dieu. Il
était lumineux de Jésus-Hostie dont il avait une faim
dévorante. Son âme était déchirée
à propos de l'Eucharistie. Il pensait mourir s'il ne recevait
pas la Communion. "Les assistants étaient bouleversés
par le regard qu'il portait sur l'Hostie, il voyait à travers
les apparences."
Son regard était tendu en arrivant à l'autel. Il était
comme agonisant. La croix pesante rendait son pas lourd. Lorsqu'il élevait
le Calice, les gens, à voir ces mains sanglantes, disaient, décontenancés
: "Il est vraiment Jésus."
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